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МИСЛЕНЕ ДРЕВО

Ми робимо Україну – українською!

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Олександр Шульгин, меморандум уряду Франції, Париж, 26 березня 1921

Переклад Георгія Потульницького

Paris, le 26 mars 1921

La situation en Ukraine et les Aspirations de la République Démocratique Ukrainienne.

1) L’Ukraine est un facteur indispensable dans la lutte contre les Bolchevistes. Selon les renseignements surs, parvenant a l’État-major des armées ukrainiennes, la Russie des Soviets se prépare toujours en vue d’une nouvelle campagne militaire pour le printemps ou l’été prochain. Cette campagne est même commencée déjà au Caucase, en Géorgie; mais, suivant les renseignements susdits, l’effort principal de la campagne bolchevique se portera vers les marches de l’Occident. Cette guerre qui éclatera fatalement, sous un prête quelconque, est tout à fait nécessaire pour l’existence de la Russie des Soviets et pour la réalisation de son double but de bolchevisation et de conquête mondiales. En tout cas, la Paix signée à Riga est loin d’avoir crée une situation rassurante : un danger pressant menace encore et constamment la Pologne, la Roumanie et les pays baltiques. C’est à dire que, quand la guerre inévitable éclatera, l’Ukraine en sera l’un des premiers et le plus indispensable champion.

On sait que les bolchévistes russes ont deux méthodes de conquête : l’une directe, par l’armée ; l’autre indirecte par la propagande. Leur attaque contre la Pologne an 1920 a montré combien grand danger menaça es pays d’être bolcheviste par l’intérieur. En cas d’une attaque nouvelle, rien ne prouve que le même danger ne surgirait par, étant donne surtout la dure situation financière et économique dans laquelle se trouve la Pologne, et aussi la Roumanie et les autres pays limitrophes. L’Ukraine a vu à l’œuvre les deux méthodes d’attaques soviétiques : et après tant de pillages et tant de meurtres, il est impossible de faire croire aux Ukrainiens que l’enfer des soviets serait une chose heureuse. L’armée Ukrainienne est, en conséquence, la plus sûre des armées européennes qui puisse être opposée aux troupes rouges : l’expérience qu’elle a faite l’a immunisée contre le poison bolchevique. Il est connu, d’ailleurs, que l’Ukraine, pays de petits agriculteurs et de mœurs et de goût individualistes, est tout à fait opposée à la commune (au mir) russe.

2) L’Insurrection Ukrainienne doit être soutenue et organisée. En Ukraine, l’insurrection s’est généralisée : elle est aujourd’hui, plus que jamais, innombrable, systématique et organisée. La haine est à son comble contre les troupes rouges et contre tout le système apporté de Moscovie, de même que contre toutes les autres tentatives d’oppression (Allemands, [Anton] Denikine). L’enquête, les multiples constatations faites par M[onsieur] Alexandre Choulguine, signataire de ce mémoire, au cours de son voyage en Ukraine (été 1920) et à Tarnov (Janvier 1921) ou il a rencontré de nombreux représentants des patriotes insurgés qui passent et repassent la frontière, sont pleinement d’accord avec tous les documents recueillis d’autre part pour prouver que le sentiment patriotique et la conscience nationale se sont étendus sur tout le territoire de l’Ukraine et de la façon la plus manifeste. Ce sentiment, cette conscience sont tout à fait différents de ce qu’ils étaient avant la guerre, et même de ce qu’ils étaient en 1917. Ils ont aujourd’hui une précision et une force indestructibles.

Les insurgés mènent à la fois la lutte pour la libération de l’Ukraine du joug étranger et pour la consolidation de la République Démocratique Ukrainienne. Ils reconnaissent comme Chef de cette République l’ataman Symon Petlioura dont la popularité en Ukraine est générale et indiscutable. Ils ont réussi à localiser le pouvoir bolchévique dans les seules grandes villes et sur le grandes voies ferrée. L’ennemi, en effet, n’ose plus s’aventurer dans les campagnes s’il ne dispose d’une réelle force armée. C’est ainsi que la plupart des districts, que tous les villages et que presque toutes les villes moyennes possèdent leur administration indépendante (ou à peu près independante) de l’autorité des occupants.

Les insurgés de toute l’Ukraine ont entre eux des relations secrètes comme cela avait lieu en Macédoine au temps des Turcs. Les événements donnent la mesure de la puissance de résistance de ces paysans ukrainiens que les troupes rouges sont incapables de vaincre. Mais, les mêmes événements montrent aussi que si les efforts des insurgés sont suffisants pour détruire les plans des bolchévistes, ces insurgés sont dans l’impossibilité de chasser les occupants et d’imposer l’ordre sur tout le pays qui peu à peu glisse dans une ruine et dans une anarchie complètes.

3) La seule force qui puisse maintenir l’ordre et organiser la lutte antibolchevique est le Gouvernement de la République Ukrainienne et son chef Symon Petlioura. Aucune intervention étrangère ne saurait organiser et conduire à leur but ces paysans soulévés pour défendre et délivrer leur sol. Après toutes les désillusions des dernières années, les Ukrainiens sont devenus extrêmement méfiants envers les étrangers. Si les Polonais ont pu effectuer leur dernière campagne côte à côte avec les troupes ukrainiennes, c’est qu’ils étaient les alliés du Gouvernement de la République Ukrainienne et que leur entrée dans le pays était sanctionnée par Symon Petlioura. Les paysans disaient mot pour mot «Symon Petlioura fait venir chez nous les Polonais, c’est qu’il le faut pour notre bien». En toute réalité et de toute évidence, c’est le Gouvernement Ukrainien et le chef de l’Etat [Symon] Petlioura qui peuvent seuls organiser la délivrance de l’Ukraine et mettre fin à l’anarchie.

Le pouvoir de Symon Petlioura et de son gouvernement émane de la volonté du peuple, de la Rada Centrale (1917) des élections générales pour la Constituante et les municipalités (1917 – 1918) du Congrès travailliste (1919). Il est appuyé actuellement par le Conseil de la République qui rassemble tout les partis de l’Ukraine ainsi que les représentants des municipalités, des coopératives, etc. En délivrant le territoire ukrainien en 1920, ce pouvoir a pu et a su y faire régner l’ordre. Il y a organisé une armée, petit numériquement (à cause du manque de munitions), mais dont les belles qualités militaires ont été reconnues par les Polonais et aussi, nous l’espérons, par la mission militaire française à Varsovie. Malheureusement, cette armée a du reculer devant les troupes rouges qui, laissées libres par les préliminaires de paix à Riga, puis, par la chûte de [Piotr] Wrangel, ont pu se jeter en masse contre l’Ukraine. L’ataman en chef [Symon] Petlioura, faute de fusils et de munitions, a dû renvoyer dans leurs foyers plus de 75 000 hommes. Réduits à 45 000 combattants et à 100 000 cartouches au moment de l’offensive bolcheviste, cette armée, malgré son endurance et son héroïsme, ne pouvait plus tenir la campagne.

4) Pour remplir son but militaire, le Gouvernement Ukrainien a besoin d’être aidé par la France (utilisation des troupes ukrainiennes qui se trouvent sur le sol étranger). Il va sans dire que, sans aide matérielle de l’Occident, la délivrance de l’Ukraine ne saurait être réalisés : il faut, en effet, opposer aux effectifs rouges une armée ukrainienne suffisamment nombreuse et suffisamment riche en armes et en munitions. Or, le signataire de ce mémoire peut affirmer, et il est d’ailleurs chargé d’en porter le témoignage de la part de son Chef d’Etat, qu’on peut par contingents successifs et relativement rapprochés élever l’armée ukrainienne à 500 000 hommes.

Mais, si l’Ukraine ne demande par de soldats, elle a besoin : 1) D’obtenir des instructeurs français, le désir ardent de l’Ukraine étant de voir son armée organisée à la française ; 2) De recevoir des armes, des appareils techniques, des munitions ; 3) Etant donné qu’il est impossible de réaliser momentanément l’organisation de l’armée ukrainienne sur le territoire ukrainien qui est tout entier en ce moment un immense champ de bataille, il est nécessaire d’avoir, proche de l’Ukraine, un territoire neutre et sur ou on pourrait instruire les premiers 150 000 combattants.

Si, pour une raison quelconque, ce triple vœu adressé à la France par le Gouvernement Ukrainien ne pouvait être exaucé en ce moment, il est du moins indispensable d’utiliser les troupes ukrainiennes qui se trouvent à l’étranger et dont la situation est très grave : 1) Armée ukrainienne internée en Pologne ; 2) Débris de l’armée de [Piotr] Wrangel parmi lesquels se trouvent plusieurs milliers d’Ukrainiens qui désirent s’unir à l’armée nationale. Tous ces soldats groupés sous un seul chef pourraient former un bon noyau pour la guerre éventuelle. Et la demande la plus instante du Gouvernement Ukrainienne à la France, c’est de mettre les troupes susdites sous la protection des missions militaires françaises en Pologne, en Turquie, en Bulgarie.

5) Pendant trois ans l’Ukraine, fidèle à la politique française, a payé de son sang et de sa ruine, la défense de l’Europe contre le péril moscovite. Si l’Ukraine s’adresse tout spécialement à la France, c’est qu’elle suit fidèlement la politique instaurée par son Chef [Symon] Petlioura dont la francophile n’a jamais subi aucune défaillance. Le Gouvernement Ukrainien est convaincu que la France est la seule des grandes puissances qui comprenne exactement la danger que présente le bolchevisme capable, s’il n’est vaincu, de s’unir avec l’Allemagne et de mettre, de nouveau, l’Europe à feu et à sang. Or, c’est l’Ukraine qui, jusqu’ici et pendant trois ans a défendu, par les poitrines de ses soldats et de ses insurgés, les marches de l’Occident. C’est elle qui a empêché la Russie des Soviets de s’unier avec Bella Kune. C’est elle qui, par ses guerres, ses émeutes et ses insurrections, a empêché les bolchevistes de faire de son sol une base militaire pour l’avance en Roumanie et ainsi sauvé cette dernière d’une invasion inévitable. Enfin, côte à côte, avec les troupes polonaises, l’armée Ukrainienne n’a pas seulement combattu pour son propre compte, mais elle a participé à la victoire de la Pologne. Et la France et ses alliés n’ont certainement pas oublié la part importante prise déjà en 1917 par le premier Gouvernement Ukrainien, spécialement représenté par son ministre des affaires étrangères, lesquels ont entamé d’heureuses relations avec les représentants de la France et notamment avec ses missions militaires. C’est ainsi que M[onsieur] [Symon] Petlioura a collaboré avec les missions pour tenter d’opposer à l’invasion allemande un front ukrainien qui eut remplacé le front russe aboli par las défaillance des bolchévistes.

L’Ukraine s’adresse également à la France parce qu’elle se trouve depuis ces dernières années dans la zone de son influence économique et qu’elle connait ses traditions de justice, d’honneur et de liberté. Il est évident que l’Ukraine se met à la disposition du Gouvernement français pour lui offrir, en retour de son aide éventuelle, les plus larges garanties économiques au sujet desquelles le signataire de ce mémoire est prêt à fournir, selon les ordres de son Gouvernement, l’exposé le plus détaille.

A[lexandre] Choulguine,

Chef de la Mission Diplomatique de la République Ukrainienne

Переклад Георгія Потульницького

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Друкується за примірником Міністерства закордонних справ УНР, машинопис / ЦДАВО України Ф. 3696. – Оп. 2. – Спр. 30. – Арк. 16-32.


Опубліковано

Архів Української Народної Республіки. Міністерство закордонних справ. Дипломатичні документи від Версальського до Ризького мирних договорів (1919–1921) / Упоряд.: Валентин Кавунник. – Київ: Інститут української археографії та джерелознавства ім. М. С. Грушевського, 2016. – С. 388-392.